Saturday, October 07, 2006

"Idéologie"+NSK+Interviews+Citations

"Idéologie"
Laibach, c'est avant tout une structure philosophique assez complexe. Toutes leurs paroles sont à comprendre dans le contexte de la période où les disques ont été faits. Le groupe incite avant tout à réfléchir.
Le groupe utilisant une esthétique martiale (uniformes par exemple), l'éternel débat fasciste ou pas revient sans cesse.
Le public de l'Ouest, qui croyait tout d'abord avoir à faire à des communistes purs et durs, voire à des stalinistes (Laibach se verra refuser l'entrée aux Etats-Unis pour cette raison jusqu'en 1988) commence à se demander si Laibach ne seraient pas un peu nazi, après tout. En 1995, Laibach et le NSK précèdent l'OTAN à Sarajevo assiégé, y donnant un concert et y ouvrant une ambassade alors que les combats font rage. Deux ans plus tard, c'est la consécration officielle: Laibach ouvre le Mois européen de la culture à Ljubljana, devant un parterre de hauts diplomates et de dignitaires internationaux, avec l'orchestre philharmonique slovène et le chœur de Ljubljana. Outré, l'archevêque de Ljubljana quitte la salle.
Alors Laibach, fachos ou pas fachos? Pas si simple. Depuis le début, Laibach observe les signes des temps, remue les traumatismes de l'histoire européenne et fait remonter à la surface les vieux démons qui continuent de s'agiter sous la surface du "politiquement correct". Manipulant habilement ses fans comme ses détracteurs, Laibach propose un exorcisme, tend un miroir déformant, oblige chacun à s'interroger sur sa propre réaction, son rejet ou sa fascination. Par son ambiguïté même, Laibach force l'auditeur à prendre position.
Personellement, dans une optique n'engageant que moi, je ne les pense pas fascistes.
A ce sujet là, Laibach a déclaré "We are so as nazi as Hitler was a painter" autrement dit "Nous sommes autant nazis que hitler était peintre".
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Maintenant parlons du NSK:
litteralement le "Neue Slovenische Kunst" ou dans la langue française le "Nouvel Art Slovéne". C'est le premier état virtuel sans limites. Il comporte en son sein des artistes slovénes, dont les plus connus sont Laibach (musique), Irwin (peinture)ou Sisters Scipion Nasica (Theâtre).Cet Etat présente plusieurs caracteristiques:
-il n'a pas de frontières (cf la vidéo de: "The Final Countdown", issue de NATO
-n'importe qui peut en devenir citoyen en demandant son passeport, à quelques conditions:
*ne pas se servir de sa citoyeneté du NSK à des fins criminelles, idéologiques ou politiques
*accepter les "10 items of convenance", dix régles de conduites fondamentales (je les posterai dans un autre article)
-Le NSK considère la politique comme un art et tout art comme politique
-il n'a pas de dirigeants
-il est "plus total que le totalitarisme" les citoyens du NSK sont libres de faire seuleument ce que le NSK leur permet
-en terme de population, le NSK compte un peu plus de monde que le Vatican!
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Voici quelques interviews trouvées de ci de là afin de mieux connaitre&comprendre Laibach. Il en existe une multitude d'autres, traductions à venir:
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tout d'abord, le numéro 36 du magazine "D-Side" de ce mois ci leur consacre un article, sur Volk. Le voici:

Etonnants Laibach! Après plus de vingt ans de carrière, le groupe le plus controversé de la planéte industrielle, qui a repris à son propre compte quelques uns des plus grands tubes pop existants pour en faire d'écrasantes machines totalitaires, s'attaque cette fois ci à la substance même des états(totalitaires ou non), en réinterpretant sur Volk quatorze hymnes nationaux, qui prennent, sous la patte de l'ogre slovène, des allures d'agneaux apeurés. Apaisées, ces versions nous feraient presque croire que notre planète est un endroit humain et accueillant. Un Laibach et le monde est plus doux?

Votre nouvek album, Volk, est composé de "reprises" de plusieurs hymnes nationaux. Comment avez vous eu l'idée de ce concept, et quel est votre message à travers un tel projet?
Laibach: Il ne s'agit pas réellement de reprises mais plutôt de chansons inspirées par, et basées sur des hymnes nationaux. Comme toujours, nous nous sommes interessés sur cet album aux concepts et aux manifestations de la culture populaire. Dans notre recherche de la "parfaite" pop-song universelle, nous avons fini par réaliser que les hymnes nationaux étaient finalement ce qui s'en rapprochait le plus. Nous avons donc commencé à creuser un peu parmi la multitude d'hymnes nationaux existants, et nous y avons trouvé un matériau très très interessant.

Est ce que le processus de réappropriation de ces hymnes était le même que celui auquel vous êtes habitués pour les pop-songs?
Laibach:Nous ne faisons aucune différence. De plus les hymnes nationaux sont vraiment des pop-songs. Il s'agit généralement de chansons auxquelles la nation entière, c'est à dire une entité culturelle et sociale située au sein de certaines coordonées géographiques, politiques et spirituelles, s'identifie à la fois par la loi et par définition.

Pour cet album, vous avez collaboré avec vos compatriotes de Silence, un duo techno peu connu chez nous. Pouvez vous nous les présenter? Quel a été leur rôle dans la réecriture des hymnes?
Laibach: Silence est un duo formidable de Ljubljana, composé de Boris Benko et de Primoz Hladnik. Nous les avons invités à collaborer avec nous sur ce disque, en partie parce que nous sentions qu'il s'agissait d'un projet pour lequel la personnalité de Silence s'intégrait à merveille, et en partie parce que nous aimons expérimenter et travailler avec des artistes différents. Silence a accepté l'invitation, et leur rôle a été très important sur l'album, particuliérement en ce qui concerne les arrangements, musicaux comme vocaux.

Qui sont les choeurs féminins et les enfants que l'on entend sur Volk?
Pour Volk nous avons collaboré avec un nombre très important de vocalistes et de musiciens. Certaines des voix ont été enregisterées à Ljubljana et d'autres à Londres. Quant au choeur d'enfants qui domine "Rossiya", il s'agit d'un groupe constitué d'enfants russes, principalement les enfants du personnel travaillant à l'ambassade russe de Ljubljana.

Vous proposez souvent sur Volk des versiosn assez douces et mélodiques d'hymnes qui sont parfois très agressifs...
Laibach: C'est vrai, les hymnes originaux sont souvent très agressifs. La plupart d'entre eux sont basés sur des chansons militante, combattantes ou conquérantes, et dans notre monde globalisé contemporain, elles n'en paraissent que plus anachroniques. Mais la plupart du temps, elles expriment avec justesse la personnalité d'une nation. Cepandant, certains de ces hymnes ont également un aspect très doux et mélancolique, parce que l'essence d'une nation n'est pas dominée uniquement par des préoccupations matérielles ou territoriales, mais aussi par des besoins spirituels, qui s'éxpriment à travers le langage ou la culture. Et parfois c'est cette facette qui est la plus interessante à traiter.

Au rayon des hymnes combattants, "La Marseillaise" est assez violente. Quelle est votre opinion à propos de notre hymne national?
Laibach: L'hymne français est effectivement l'un des plus sanglants. Pendant que nous travaillions sur notre version, des émeutes culturelles et raciales ont éclaté dans diverses banlieues françaises, suivies par des grèves étudiantes massives. Tout ceci nous a bien sûr influencés, tout autant que le fait que les Beatles, Brigitte Bardot, et Serge Gainsbourg ont utilisé "La Marseillaise" comme source d'inspiration bien avant nous.

Est ce que le titre de l'album Volk qui signifie "peuple" en allemand indique que vous l'avez écrit davantage du point de vue du peuple que de celui des états?
Laibach: En fait, "volk" en slovéne signifie "loup". Ce qui veut dire que nous l'avons composé principalement du point de vue des loups...

Pour "Ysra'el" vous avez mélangé les hymnes israélien et palestinien. Est ce votre façon de dire que vous considérez ces deux pays en guerre comme n'en faisant qu'un?
Laibach: Oui, pour nous, il s'agit d'une terre avec deux interpretations. Ce problème est trop complexe pour une explication simple, mais le fait est que historiquement, Israéliens et Palestiniens viennent d'une même entité culturelle et géographique, qu'ils sont les uns comme les autres, des Sémites de la région de Palestine. Ils n'ont été divisés que par les turbuelences politiques et religieuses à travers lesquelles est passée la région au cours des deux derniers millénaires.

Le NSK, Neue Slovenische Kunst, a maintenant également son hymne officiel, qui est très lyrique. Quel aspect particulier de cet état virtuel pensez vous qu'il représente?
Laibach: Il représente justement sa virtualité, ce qui en fait son essence.

Alors même que la politique des nations, qui avait quasiment disparue, est de retour en force depuis 2001 et les guerres qui ont suivi, est ce que le futur ne se trouverait pas dans les citoyennetés virtuelles, à travers le NSK ou l'Elgaland-Vergaland, plutôt que dans les états physiques?
Laibach: Tout à fait, si. Nous vivons désormais des vies quasi virtuelles dans une époque virtuelle au sein d'états et de nations qui deviennent eux mêmes de plus en plus virtuels. Tout ce qui manque aux citoyens, c'est une citoyenneté virtuelle qui vienne confirmer leur loyauté envers le plus large et le plus puissant des systémes socio-politiques. Cela devrait être suffisant.

Vous avez récemment présenté une installation intitulée "Instrumentality of the State Machine". Pouvez vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
Laibach: Instrumentality of the State Machine est une installation basée sur les manifestes Laibach Kunst et l'esthétique développée entre 1980 et 1985. C'est une oeuvre qui évolue continuellement, et qui nous aide à comprendre ce que nous sommes et ce que nous faisons.

Vous avez tourné aux Etats-Unis juste au moment de la réelection de Georges W Bush. L'ambiance devait être plutôt spéciale...
Laibach: C'était une expérience très intéressante, qui est selon nous très bien rendue sur le film "The divided States of America", réalisé par Saso Podgorsek. Nous avons commencé notre tournée, composée de quinze dates, en novembre 2004, dans une atmosphére de division extrême entre Bush et Kerry. Notre premier arrêt a été Washington, à portée de tir de la Maison Blanche, le lendemain de l'annonce des résultats. Il y avait un sentiment de gêne dans l'air, des nuages noirs couvraient le ciel, et il a plu toute la journée. Plus que nos concerts, ce documentaire sur notre tournée américaine montre l'atmosphère traumatique de l'après éléction, et la situation générale aux Etats Unis, alors profondément divisés entre deux options politiques et culturelles opposées, ce qui fait que nous avons baptisé la tournée "The divided States of America Tour". Le film a déjà été montré à plusieurs reprises dans des festivals et une sortie en dvd est prévue d'ici la fin de l'année chez Mute films, avec en bonus le concert complet que D side a organisé à la Locomotive à Paris en 2004.

Vous avez également joué une version éléctronique de "L'art de la fugue" de Bach au Wawa Gothik Treffen de Leipzig cette année. Comment avez vous été amenés à vous lancer dans cette réinterpretation?
Laibach: Nous avons été invités par le festival B.A.C.H (Bach Alternative Compositions on Historical basics, qui se tient en marge du Wawe Gothik Treffen) organisé en collaboration avec Bach-Fest et Bach Archive de Leipzig. Ce festival est bien sûr entierement dédié à l'oeuvre de Bach et se déroule en même temps que le Wawe Gothik Treffen, pour tenter de rapprocher les deux publics. Nous avons décidé de faire une version électronique de "L'Art de la Fugue" car c'est une oeuvre que Bach n'a pas composée pour un instrument spécifique, et qu'elle consitiue pour nous les bases de la musique électronique et de la programmation midi. Nous prévoyons d'ailleurs de sortir cet enregistrement chez Mute au début de l'an prochain sous le nom "Laibachkunstderfuge".

Dans le cadre du festival anglais The Return of Repressive, vous venez également d'interpréter un "Concerto for Magnetophone, Gramophone,Radiophone and Megaphone"...
Laibach: Ce "concert" si on peut l'appeler comme cela, a eu lieu le 1 er septembre, en ouverture de l'exposition "Laibach Kunst Instrumentality of the State Machine", présentée à Birmingham. En fait durant ce concert, les quatre instruments représentent symboliquement chacun des membres de Laibach et produisent du son par eux mêmes. Nous nous cotentons de les mettre en marche.

Au fil des années, les expositions et les livres concernant Laibach et le NSK se sont multipliés. Avez vous le sentiment d'être devenus une institution et que cela valide la nature même de Laibach en tant qu'oeuvre d'art plutôt que simple groupe?
Laibach: Nous avons toujours conçu Laibach comme une institution, même à nos débuts. Mais nous ne nous considérons ni comme un des artistes ni comme un groupe pop: nous sommes des ingénieurs de l'âme humaine. C'est ce que nous avons toujours été et c'est ce que nous serons toujours.

Silence participeront ils à la tournée pour Volk?
Laibach: Nous allons pour commencer présenter notre nouveau show dans la ville de Trbovlje fin octobre et en novembre, nous entamerons la première partie de notre tournée européenne, effectivement avec Silence, qui seront avec nous pour ces concerts et auront pendant tout ce temps le statut de membres adoptés de Laibach.

Les concerts que vous avez donnés pour WAT et la compilation Anthems étaient riches en images, vous aviez des performeuses (ndlr: les fameuses "Laibachettes") sur scéne...En sera t il de même pour cette tournée?
Laibach: "Moins est plus". Il y aura donc plus de choses, même si il y en a moins.

Et pour la suite?
Laibach: Eh bien, nous nous préparons à une tournée importante en Europe, en Russie, aux Etats Unis et peut être ailleurs courant 2007. Nous devons déjà préparer la sortie de l'album Laibachkunstderfuge, pas moins de trois dvd, et nous mettre à travailler sur notre album studio suivant, bien qu'il soit encore largement trop tôt pour en parler...
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Maintenant, voici une interview extraite du livre "les crasheurs de feu", livre sur le groupe Rammstein, où Laibach a été interviewé à propos de leur remix de la chanson "Ohne Dich":

Qu'est ce qui vous a amené à travailler pour Rammstein?
Laibach: Rammstein nous a demandé si nous serions interessés pour remixer "Ohne Dich". Dans un premier temps nous avons dû refuser car nous étions très accaparés par notre tournée. Mais après l'avoir écouté nous avons été réellement séduits par la beauté de ce titre.

Votre version s'intitule "Mina Harker's version". Est ce une forme de clin d'oeil au personnage de Mina Harker du roman "Dracula" de Bram Stoker?
Laibach: Nous l'avons tout simplement choisi parce que Rammstein est un groupe qui posséde d'authentiques influences gothiques, de plus la chanson est chantée en allemand, et l'énergie de la musique nous a fortement fait penser à la version du Nosferatu, réalisé par Werner Herzog. D'autre part, "Ohne Dich" parle des relations amoureuses, "l'un ne peut pas vivre sans l'autre", et je trouve que cela définit plutôt bien le lien entre Jonhatan Harker, Mina Harker et Dracula. La dernière raison c'est que la chanteuse qui interpréte "Ohne Dich" s'appelle Mina, qu'elle fait partie du groupe slovène Melodrom avec qui nous avons parfois l'habitude de travailler.

Quelle a été votre approche ou du moins l'orientation que vous vouliez donner à "Ohne Dich"?
Laibach: Nous voulions aller un peu plus loin dans ce qu'avait fait Rammstein en nous orientant davantage vers une relecture musicale approfondie de la nature même du texte. Comme Rammstein est par nature un groupe très masculin nous souhaitions donner une dimension plus féminine à cette chanson d'amour. Ce fut une experience très enrichissante.

Vous travaillez souvent sur des "reprises" de groupes, qu'est ce qui vous attire dans ce domaine?
Laibach: Nous sommes généralement bien plus interessés par "remodeler" une chanson plutôt que de la remixer. Nous faisons d'ailleurs très peu de remix. Il est intéressant d'utiliser les capacités des machines pour habiller un titre avec les instruments dont nous pouvons disposer et jouer avec les options.

Pensez vous qu'il pourrait être interessant que Rammstein remixe un de vos titres?
Laibach: Sans doute, mais dans un sens ils l'ont déjà fait. Rammstein est un grand fan de Laibach, ils se sont inspirés de nos morceaux et de notre style musical. Ils ont souvent assisté à nos concerts, d'une certaine façon ils sont une sorte de "copie" de Laibach.

Quelle est la principale connexion entre Laibach et Rammstein?
Laibach: Rammstein c'est Laibach pour les enfants et Laibach c'est Rammstein pour les adultes.

Vous exercez une influence certaine sur de nombreuses formations. Comment réagissez vous au rôle que l'on vous prête?
Laibach: C'est difficile à dire, mais nous sommes très interessés par la façon dont les groupes nous perçoivent-comme Judas Priest, Morbid Angel, Rammstein, Trent Reznor de Nine Inch Nails ou les Pet shop boys. Des gens d'influences musicales très diverses s'interessent à notre travail, nous avons même pas mal d'échos en provenance du milieu de l'art.

Où trouvez vous votre stimulation créative?
Laibach: Nous sommes ouverts à tout ce qui tourne autour de l'art. Le cinéaste français Jacques Tati est d'ailleurs une de nos sources d'influence majeure.

Tout comme Laibach, Rammstein a souvent utilisé l'imagerie militaire. De quelle manière appréhendez vous la critique des médias à cet égard?
Laibach: Pour nous, c'est un procès complétement absurde. De nos jours tout le monde porte des uniformes militaires surtout au vingt et unième siècle. Les grandes marques comme gucci ou adidas même surfent sur cette vague. Pour ceraines occasions nous portons des uniformes mais tout dépend du contexte. En fait, notre curiosité se nourrit des paradoxes.
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Maintenant, une interview du magazine Prémonition datant de 2003:
Laibach est enfin de retour plus de six ans après son dernier opus "Jesus Christ Superstars". Et comme à chacune de ses sorties, nous étions curieux de savoir à quelle sauce les nouvelles aspirations des sulfureux "fab four" de Ljubljana, Slovénie, allaient nous être servies. Après le pope-métal caligulesque de "Jesus Christ Superstars", et le disco-casque bleu de "NATO", c’est un "WAT" tout en bpm martiaux et en emphase wagnérienne qui vient donner suite à l’imposante discographie de la troupe. L’entretien qui suit, allusif, sibyllin et impersonnel, respecte bien quant à lui l’image d’un groupe hors norme qui fait rimer musique avec politique et art avec humour noir.

Laibach a été bien silencieux depuis 96, qu’avez-vous fait durant cette longue période ?
Laibach:Nous avons fait Rammstein.

Votre nouvel album "WAT" sonne très différent du précédent "Jesus Christ Superstars", très orienté guitares, qui lui-même était assez éloigné des compositions synthétiques de "NATO" ; lorsque vous travaillez sur un album, qu’est-ce qui vous décide de passer ainsi d’un style à l’autre ?
Laibach:C’est le hasard qui décide. Comme nous mélangeons et regroupons des gens d’horizons sociaux, culturels et politiques différents, nous faisons de même avec la musique.

Sont-ce les concepts qui guident l’orientation musicale choisie ?
Laibach:Fondamentalement, oui. Pour "WAT", nous avons utilisé la précision des rythmes digitaux du temps réel.

Et quel est donc le concept derrière "WAT" ?
Laibach:Le temps et tout ce qui le façonne.

Sur le site officiel du N.S.K., se tenait un forum où de nombreux fans débattaient de la signification de "WAT" ("We Are Time") et proposaient de nombreuses interprétations. "War Against Terrorism" semblait être alors la plus plébiscitée…
Laibach:Nous n’avions pas exactement cette définition en tête, mais elle est néanmoins tout à fait pertinente et acceptable pour peu que quelqu’un y croie. Ce titre est d’ailleurs parfaitement à propos, presque trop même, si l’on considère les derniers évènements survenus aux USA, en Afghanistan et en Irak. Surtout lorsqu’on sait que la plupart des chansons de cet album ont été écrites deux à trois ans auparavant. Mais nous prenons tout ceci comme un compliment ; ces différents avis nous aiderons, qui sait, à trouver un sens encore plus profond à cet album.

Le titre Tanz mit Laibach apparaît de manière évidente comme le "tube" de ce nouvel album ; Laibach aurait-il décider de conquérir les dancefloors et les clubs ?
Laibach: Les dancefloors, les clubs, les raves, les bals de pompiers, les rassemblements politiques, les stades de foot, les réunions de famille, les garderies et les processions funèbres.

Ce titre n’est pas sans nous rappeler Der Mussolini de DAF, un groupe dont vous aviez déjà repris le Alle gegen alle sur "NATO" : c’est un nouvel hommage détourné ?
Laibach:Cette chanson a été inspirée par l’amitié germano-américaine (les initiales de DAF signifient Deutsch Amerikanische Freundschaf…-ndlr).

La chanson Reject or Breed que l’on retrouve sur le CD promo de "WAT" ne figurera pas sur la version finale ; serait-ce à cause de ses textes radicaux et sans compromis ?
Laibach:Ce titre sera uniquement disponible sur la version vinyle de "WAT". Il a été rejeté du CD (reject) car il n’était pas productible (breed). Reject or Breed est l’acte du viol éternel. "Tempus Edax Rectum" (la citation latine d’origine est "Tempus Edax Rerum", le temps qui détruit tout -ndlr).

Vous n’avez pas peur que le titre Anti-Semitism fasse à nouveau l’objet d’une mauvaise interprétation ? Cela sonne comme une nouvelle provocation.
Laibach:Est-ce un problème ? Il n’y a pas de solution s’il n’y a pas de problème. En ce qui concerne ce titre, toute interprétation à son sujet sera correcte.

La provocation et l’humour prennent une grande part dans votre art… Peut-on lier cette approche avec certains courants artistiques tel Dada ?
Laibach:Seulement à travers sa négation. Notre forme d’humour est terriblement sérieuse. Nous pratiquons uniquement un humour qui ne peut être que mal pris.

Êtes-vous encore aujourd’hui dans la ligne de mire de certains censeurs ?
Laibach:Pas directement, mais certains promoteurs français nous ont, par exemple, confié qu’ils ne préféraient pas organiser nos concerts car ils n’auraient jamais la permission pour le faire.

De votre point de vue slovène, comment considérez-vous l'évolution politique dans les Balkans depuis la fin de la guerre ?
Laibach: Dans Laibach, nous ne pratiquons pas le "point de vue slovène". Pour nous, les Balkans sont le futur de l'Europe. Pendant cette guerre, les nations balkaniques se sont retrouvées victimes et prisonnières de la ségrégation engendrée par l'Union Européenne. Le conflit en ex-Yougoslavie a donné à l'Europe une vision assez claire de ce qu'il pouvait se passer lorsque les différences n'étaient pas respectées, lorsque le plus petit d'une communauté n'était pas pris au sérieux, et lorsque les problèmes n'étaient pas résolus à temps. Pour Laibach, l'Europe toute entière a le sang des Balkans sur les mains.

Cette guerre de 92-95 stigmatise-t-elle encore votre travail aujourd’hui ?
Laibach:Toutes les guerres stigmatisent notre travail et il en va de même pour la paix.

Après près de 20 années d’existence, le NSK (Neue Slowenische Kunst, collectif d’artistes slovènes devenu véritable état virtuel en 1994 avec passeports et ambassades…) a-t-il satisfait tous les espoirs que vous portiez en lui ? Considérez-vous toujours cet état virtuel comme le prototype d’une société meilleure ?
Laibach:Nous n’avons jamais dit cela. La société est telle qu’elle est et l’on n'y peut rien. L’état du NSK est seulement un prototype pour mieux faire face à cette société.

Le CD envoyé aux journalistes contient un système de sécurité qui permet à la maison de disque de repérer et de pister toute duplication, dans quelque format que ce soit : que pensez-vous d’un tel procédé ? Notre société semble de plus en plus dériver vers l’ultra sécuritaire ?
Laibach:La sécurité n’existe pas sans la peur. La peur pousse les gens à rester ensemble ; elle organise leur vie quotidienne au sein d’une communauté bien spécifique, les tient éloignés des autres groupes sociaux contre lesquels elle les pousse à s’opposer. L’idée d’une sécurité individuelle et collective est un vieux concept et la mécanique de la peur a toujours été une force motrice du contrôle dans les systèmes totalitaires d’hier et d’aujourd’hui. Mais celle-ci ne s’était jamais incarnée sous une conception virtuelle comme c’est le cas aujourd’hui.

Cette sécurité virtuelle est néanmoins complètement paradoxale pour un groupe comme Laibach, bien connu pour son indépendance ?
Laibach:L’indépendance est en soit un concept paradoxal.

Propos recueillis en août 2003.
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Interview du site tirée du site "Soleil Noir" (soleilnoir.ch)

Commençons par le plus visuellement frappant : ces uniformes nazis, arborés par Laibach sur les photos promos pour WAT. Cela peut apparaître comme de la pure provocation au premier degré - tout comme par exemple le choix de la langue slovène pour le titre sensible de l'album, "Anti-Semitism", un choix qui rend la position de Laibach sur ce sujet indéchiffrable en dehors de la Slovénie. S'agit-il simplement d'utiliser le scandale comme un outil de marketing? Ou faut-il voir une signification dans le fait que Laibach apparaissent alternativement en uniformes nazis et américains?
LAIBACH: Laibach ne connaît que le silence ou le scandale. C'est notre état d'esprit, notre comportement naturel. Nous aimons les situations conflictuelles. Nous avons toujours eu la conviction que l'intelligence d'une personne est directement reflétée par le nombre de points de vue opposés qu'elle est capable d'adopter simultanément sur le même sujet. En ce qui nous concerne, une telle "provocation" est tout ce qui compte. Pour les uniformes - nous aimons simplement les porter; les uniformes nazis en particulier nous font nous sentir comme des aliens, comme des Mensch Machine.
Quant au titre "Anti-Semitism", il est en Slovène car la langue slovène est très similaire à l'hébreu et, à l'envers, sonne comme de l'arabe (NDLR: c'est cela, oui…). Nous nous sentons évidemment très concernés par le problème de l'antisémitisme, qui ne l'est pas? Le terme remonte au 18e siècle, mais c'est un très vieux concept, l'expression du Rejet de ce qui est Autre. Historiquement, l'antisémitisme remonte encore plus loin, au siècle précédant le début de l'ère chrétienne, à Alexandrie, plus tard à la Rome antique et de là, avec la christianisation, au monde entier. Aujourd'hui l'antisémitisme reste un thème international majeur. C'est un instrument politique parmi les plus puissants. Utilisé comme une excuse, le concept d'antisémitisme est une terrible force de (et pour le) mal, aussi abstraits que puisse être de nos jours son usage et sa définition.

En 1996, Laibach disait n'être pas eurocentristes et ne pas se soucier des différences et des tensions entre les USA et l'Europe. Est-ce toujours vrai, à la lumière des événements récents et du renouveau de l'impérialisme américain?
LAIBACH: Nous aimons l'Europe, mais ne sommes pas eurocentristes, et les tensions entre les USA et l'Europe ne sauraient nous pousser à changer de point de vue. Nous ne pouvons simplement pas nous permettre de juger ou d'appartenir à quoi que ce soit en dehors de notre propre Etat du NSK. Le conflit entre l'Europe et les USA était prévisible dès le moment où l'Europe allait tenter de s'émanciper des Etats-Unis, spécialement depuis que la "menace" du Pacte de Varsovie a disparu. N'oublions pas que les pays d'Europe de l'Est comme la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, etc., se sont débarrassés en douceur de l'Armée rouge. Au contraire, les troupes américaines continuent d'occuper l'Europe de l'Ouest. C'est un problème que l'Europe unie devra résoudre tôt ou tard.
Le fait est que la guerre américaine contre l'Irak n'était pas seulement un épisode de la revanche familiale des Bush, mais aussi un acte de domination dirigé contre l'UE. Quoi qu'il en soit - un conflit de plus ou un soldat de moins ne vont pas changer l'opinion de Laibach.

WAT semble graviter autour du concept du temps, de la fin des temps, et de l'histoire de Laibach à travers son temps. Musicalement, la boucle est bouclée, avec un son qui évoque autant les albums NATO que Macbeth. Le morceau WAT en particulier pourrait être interprété comme le testament de Laibach…
LAIBACH: Oui, notre Nouveau Testament.

Les quatre membres de la formation "classique" de Laibach sont ils toujours actifs au sein du groupe? Jusqu'à quel point le collectif Laibach est-il ouvert à de nouveaux individus?
LAIBACH: Laibach est un groupe qui fonctionne selon une idée collective et une approche collective. Il a consisté en plusieurs membres et de nombreux collaborateurs individuels. Seul quelqu'un capable de "débrancher" sa propre individualité, ses besoins et frustrations individuels peut devenir membre de Laibach, il doit être capable de remplir les conditions posées par les "10 Items of the Covenant" (NDLR: programme philosophique de base de Laibach, rédigé lors de la fondation du groupe, au début des années 80). Par conséquent, personne ne demeure automatiquement un membre de Laibach pour la vie, s'il n'est pas capable de se plier aux règles et ne peut plus se dévouer à l'idée il peut perdre sa qualité de membre temporairement ou pour toujours. Mais les membres "classiques" de Laibach sont toujours actifs, oui.

Qu'en est-il de l'Etat du NSK? A présent que ce concept a été entièrement théorisé, appliqué et expliqué, y a-t-il des plans pour le développer?
LAIBACH: L'Etat du NSK se développe par lui-même. Chacun peut devenir citoyen du NSK, obtenir le passeport du NSK. L'Etat n'a pas de "gouvernement" formel ni de "comité" mais uniquement des citoyens, des bureaucrates et des exécutants. Les deux dernières catégories s'occupent des questions techniques - afin que l'utopie reste formelle. Les citoyens du NSK se multiplient mystérieusement et des ambassades du NSK s'ouvrent dans le monde entier, sans aucun plan directeur. Nous sommes nous-même citoyens du NSK, guère différents de tous les autres, de tous ceux qui peuvent s'identifier avec le codex de l'Etat du NSK. Nous n'avons ni ne voulons plus avoir de contrôle sur ce dernier. L'Etat du NSK existe ainsi impassiblement, partout, comme une sorte de parasite, et se répand lentement comme un virus bénéfique aux quatre coins du monde. A l'heure actuelle, l'Etat du NSK compte déjà davantage de citoyens qu'Andorre, Monaco ou le Vatican, il pourrait donc régner aussi sur un plus grand nombre de moutons que le pape. Ils n'en ont peut-être pas encore conscience, mais tôt ou tard ils feront tous partie de notre troupeau.

Au sujet de la situation mondiale, comment voyez-vous la situation évoluer dans les dix prochaines années? Et au-delà?
LAIBACH: Nous ne pouvons pas prédire le futur à proprement parler; nous vivons constamment dans une boucle temporelle entre aujourd'hui et hier, le futur se transforme en lendemains d'hier en moins de 24 heures Nous sentons seulement que le futur n'est plus ce qu'il était et qu'il semble bien incertain; mais d'une certaine manière il l'a toujours été; et nous qui avons été témoins de grands changements devons conserver de grands espoirs, quoi qu'il en coûte.

Où en sera Laibach dans 10 ans?
LAIBACH: Si nous ne nourrissons pas les vers, alors nous continuerons de fonctionner selon les mêmes paramètres qu'aujourd'hui.
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Un lien vers un court documentaire d'environ 6 minutes tiré de l'émission "Tracks" sur Arte: http://youtube.com/watch?v=hrrQCamwU6c contenant notemment une interview de Ivan Novak.
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Pour finir, quelques citations:

Au sujet du 11 septembre et de la "guerre contre le terrorisme":
"Les Américains ont finalement eu ce qu'ils ne cessaient d'appeler de leurs vœux, avec des films comme True Lies par exemple, et les Européens ont eu ce qu'ils méritaient. Maintenant, les Américains ont encore à recevoir ce qu'ils méritent et les Européens à décider ce qu'ils veulent."
"La guerre contre l'Irak était en fait dirigée contre l'Union européenne, et l'action hostile censée rendre leur liberté aux Irakiens était surtout le moyen d'ôter toute liberté au peuple américain."

A propos de l'unification européenne:
"L'Europe s'unifie sur une base économique et non sur des postulats spirituels, selon la loi du marché et non pour des raisons éthiques, par peur et non par courage. L'unification européenne implique la dictature de la majorité et la suppression, forcément douloureuse, de toutes les différences régionales, culturelles, etc. Dans ce futur ensemble technocratique, il ne subsistera qu'un centre économique, et ses satellites."

Sur la différence entre totalitarisme et démocratie:
"Il n'y en a aucune. La démocratie, telle qu'elle est définie par les systèmes économiques développés de l'hémisphère nord, n'est qu'un euphémisme pour la forme la plus aboutie du totalitarisme."

Sur la politique:
"La politique est la forme la plus élevée de la culture populaire, et nous qui sommes des créateurs de culture pop contemporaine nous considérons logiquement comme des politiciens."

Sur Laibach:
"Dieu seul peut vaincre Laibach. Personne ni rien d'autre n'en sera jamais capable."

Sur le rêve américain:
"Le rêve américain n'existe que pour les américains, il ne nous a pas fait mieux dormir."

Sur Dieu:
"Nous croyons en Dieu mais à l'inverse des Américains nous ne lui faisons pas confiance."

Je remercie par avance les sites,livres et magazines qui ont été mes sources pour cet article.

7 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Très interessant, même si c'est un peu long et un peu compliqué ( j'ai été obligée de lire 2 fois un passage pour le comprendre, mais bon ça c'est ptet de ma faute aussi lol )

9:33 AM  
Anonymous Anonymous said...

BON DEPART

7:29 PM  
Anonymous Anonymous said...

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6:24 PM  
Anonymous Anonymous said...

Très bon blog, ça fait plaisir de lire toutes ces interviews en Français et d'avoir enfin un point de vue réfléchi sur Laibach :)

12:51 AM  
Anonymous Anonymous said...

Ah, j'étais déjà passé plusieurs fois sur ce blog et ça m'a fait plaisir de voir une telle mine d'informations, mais je reviens pour vous dire que je connais maintenant un jeune forum consacré à la musique industrielle, on y a présenté pas mal de groupes dont Laibach, joignez-vous à nous si le cœur vous en dit : http://machineryattack.forumgratuit.fr

1:46 AM  
Anonymous Tarteomurs said...

Merci pour tout ça !
Très instructif pour tout fan du collectif !
Dommage que le blog ne soit plus en activité.

3:46 PM  
Anonymous Anonymous said...

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